Récit de la rafle

Le 21 mai 1945 était un dimanche : c’était même le jour de la fête des mères.

Le patron de la sicherheitsdienst (Sipo-SD) d’Agen, RORN, ayant appris que divers groupes de résistants étaient dissimulés aux confins de la Dordogne et du Lot et Garonne,  dans la région de Vergt de Biron (Dordogne), sollicita et obtint l’aide de la division « DAS REICH » pour monter une opération répressive. Le régiment « Der Führer » fut chargé de fournir les forces nécessaires. Ce fut le 1° bataillon, commandé par Adolf Diekmann, stationné à Valence d’Agen, qui fut désigné.

Avant l’aube, les quatre compagnies du bataillon ( 1° compagnie commandée par le lieutenant SS Scholtz, la 2° compagnie du lieutenant SS Schwarz, la 3° compagnie du capitaine SS Kahn et la 4° compagnie du lieutenant SS Rosenstock) quittèrent Valence d’Agen sous le commandement effectif de Diekmann et gagnèrent Fumel à une soixantaine de kilomètres au nord. Huit agents allemands du Spido –SD avec à leur tête Zorn les accompagnaient.

A Fumel, les quatre compagnies prirent chacune un axe de marche différent, couvrant ainsi un vaste secteur en forme d’éventail. Adolf Diekmann, l’état-major du bataillon et les SS de la Sipo-SD d’Agen de Zorn et allèrent s’installer dans un hôtel, près du village de Gavaudun. De ce point central, ils pouvaient diriger et suivre toutes les opérations menées simultanément par les quatre compagnies.

Les renseignements recueillis par les policiers allemands étaient sérieux : un petit dépôt d’armes et de munitions fut découvert par la 1° compagnie dans la grange d’Ernest Abouly (41 ans) à Devillac (Lot et Garonne). Ce dernier fut amené à Vergt de Biron où il fut effroyablement torturé. Embarqué  sur un camion en direction de Cahors, son corps ne fut jamais retrouvé. D’après plusieurs témoins, il était déjà mort lorsqu’il fut placé sur le plateau d’un camion. Il est donc probable que son corps fut ensuite jeté au hasard.

Durant de nombreuses heures, les hommes de la 1° compagnie de Diekmann fouillèrent le villages de Devillac et Vergt de Biron, pillant de nombreuses fermes. Dans d’autres villages, Lacapelle-Biron, Blanquefort ou Monflanquin, des scènes identiques de déroulèrent; maisons pillées, parfois incendiées, habitants mal traités, arrestations en masse.

A Lacapelle-Biron, où les hommes de la « Das Reich » arrivèrent vers 5 heures du matin, une souricière fut mise en place, à chaque entrée du village. C’est par la route de Gavaudun qu’arriva la compagnie de SS. Les grenadiers allemands allèrent trouver le maire, Mr Lagarrigue, âgé de 71 ans , et firent amener l’appariteur, Mme Nadal, une vieille femme de 75 ans, qu’ils brutalisèrent sans aucun ménagement. Ils la firent monter sur la plate forme d’un camion militaire et elle dut, à chaque carrefour, annoncer au son du tambour le rassemblement immédiat de tous les hommes de 18 à 60 ans, sans exception, sur la place du foirail, pour un contrôle d’identité.

Tous les hommes n’ayant pas obtempéré à la première injonction, les militaires pénétrèrent dans les habitations, s’emparèrent des récalcitrants et les conduisirent de force vers le lieu de rassemblement. S’étant en outre aperçus que tous les hommes figurant sur les registres d’état civil n’avaient pas rejoint les autres villageois, les allemands prirent avec eux le maire et se rendirent dans les hameaux éloignés d’où ils ramenèrent tous les hommes qu’ils purent intercepter.

À partir de 9h30, sur la place, à l’endroit où se trouve aujourd’hui le monument commémoratif, le maire,  avec le registre de la mairie en mains, fit l’appel des hommes. Soixante d’entre eux, dont le prêtre, l’abbé Dané Roger, furent ainsi rassemblés, dans la prairie de M. Souchal, au bord de la Lède, gardés à vue par des soldats armés de mitrailleuses.

En fin de matinée, les SS s’installèrent en bivouac se préparant à déjeuner.

Vers 17 heures, quarante sept hommes furent ramenés sur la place du Foirail. L’ordre donné, ils furent embarqués, coups de crosse à l’appui, dans deux camions débâchés. La colonne, escortée par les SS, prit la route en direction de Gavaudun et s’arrêta à l’Hôtel des Roches, à Majoulassy. Là d’autres prisonniers venant de Vergt de Biron  et des environs de Fumel furent joints à la colonne. Leurs portefeuilles leur furent retirés, puis ils furent alignés devant des rochers voisins , les soldats faisant le simulacre de les exécuter. Enfin vers 19 heures, le groupe de cent dix huit prisonniers des différentes rafles opérées dans la région prit la route de la caserne Toussaint, route de Toulouse à Agen.

Les hommes furent enfermés dans un manège où ils restèrent une huitaine de jours, dormant à même le sol, étant mal nourris et malmenés par les SS. Vers le 30 mai, cent dix huit hommes furent dirigés vers Compiègne, dernière halte en France d’où ils partirent le 06 juin 1944 pour Dachau et Mauthausen; Vingt quatre seulement reviendront des camps de la mort. Ainsi, pour Lacapelle-Biron sont morts en déportation :

ABMED Mustapha, AMADIEU Raymond, AUGIÉ Abel, BARAS Arthur, BUGIER René, CAUMIERES Raymond, DELAYRE Hubert, DELAYRE Louis, DELORENZI Auguste, FAGEOL Roger, FAVARETTE Ernest, GENESTE Pierre, JAMBOU Roland, JUGE Pierre, LAGARRIGUE Jean, MARCENAT Léopold, MARMIÉ Raoul, MIQUEL François, PORTES Paul, RABOT Jean, SEROUGNE Jean, TOURRET Jean, TREMBLAY Jacques .

Depuis le 15 août 1947, se dresse sur la place du Village de Lacapelle-Biron, à l’endroit d’où partirent les camions allemands le 21 mai 1944, le Monument Départemental de la Déportation. Cette œuvre remarquable est due au sculpteur Raymond Buisseret (grand prix de Rome 1947). Sur ses faces, il porte les 213 noms de déportés du Lot et Garonne morts en camps d’extermination. Ce monument  est le symbole de la résistance dans le département du Lot et Garonne et de la répression nazie.
Lacapelle-Biron s’est vue remettre le 28 septembre 1951 la croix de guerre avec étoile de bronze.